A la découverte des low-tech : le Rocket Stove par l’association Feu Follet

Rencontre avec Léo Thénier « artisan bidonnier » de l’association feu follet qui travaille au développement de cuisine au feu de bois avec plusieurs modèles construits sur la base du Rocket Stove (Four, plancha, crêpière, cuiseur marmite…). Il s’agit d’une initiative low-tech pour cuisiner et se chauffer afin de tendre vers l’autonomie et la résilience d’un point de vue énergétique.
Des exemples de rocket stove
Groupe ALTERR d'ISF Grenoble
  1. Peux-tu présenter l’association ?

L’association existe depuis 2015 et s’appelle Feu Follet. L’objectif est de faire la promotion d’une combustion propre du bois pour des usages domestiques (se chauffer, cuisiner). A travers l’association on sensibilise les personnes sur ce qu’on appelle les rocket stove (poêle fusée) en organisant des stages de formation à l’auto-construction pour fabriquer ces appareils. La deuxième activité de l’association est d’utiliser notre cuisine collective mobile sur des évènements pour cuisiner au feu de bois. Enfin, on fait de l’éducation populaire sur le feu de bois à travers des conférence pour expliquer plus théoriquement comment le bois brûle, les avantages d’un rocket stove, comment réaliser un feu propre et comment l’utiliser pour cuisiner ou se chauffer.

  1. En quoi ce genre de système au feu de bois est intéressant à développer dans le contexte actuel ?

Aujourd’hui, nous avons un problème de ressources par rapport aux énergies fossiles qui s’épuisent, et un problème d’équilibre de carbone dans l’atmosphère. Nous sommes extrêmement dépendants de ces énergies mais nous allons devoir nous en passer. A l’association Feu Follet on prône la résilience et l’autonomie pour se préparer à sortir des énergies fossiles. Concrètement, on peut utiliser des appareils plus simples et plus efficaces pour se faire à manger. Avec nos poêles au feu de bois, on arrive à cuisiner nos aliments plus vite qu’avec du gaz. En plus, on consomme peu de bois sans rejets nocifs, c’est pour ça que c’est si intéressant.

  1. En quoi l’usage du bois pour se chauffer ou cuisiner est écologique ?

C’est écologique à plusieurs conditions. S’il y a une bonne gestion des forêts, prenant en compte les différents usages du bois (bois énergie utilisé pour les buches, plaquette forestière, granulé ; bois d’œuvre utilisé pour les constructions) et en replantant autant que ce qu’on a coupé. Il faut aussi une bonne combustion du bois pour que l’usage soit écologique. Par exemple les cheminées ouvertes polluent énormément car la combustion n’est pas optimale. Si on ne brule pas correctement le bois, de nombreux gaz nocifs et particules fines sont émises dans l’atmosphère. D’ailleurs cette mauvaise gestion de la combustion du bois est une des principales causes de réduction de l’espérance de vie sur Terre (2,4 milliards de personnes utilisent aujourd’hui le bois pour la cuisson avec des appareils non performants pour la combustion). Enfin d’un point de vue du CO2 émis lors de la combustion, le cycle du carbone permet d’être neutre. Le bilan de CO2 émis lors de la décomposition du végétal dans la nature est équivalent à celui de sa combustion.

Figure 1 : cycle du carbone

  1.  C’est quoi le principe d’une bonne combustion avec un rocket stove ?

On l’appelle rocket stove car il fait un bruit de fusée. Avec un poêle rocket, on arrive à faire un feu maitrisé dans un tube par tirage naturel. C’est une technique relativement simple qui permet de réaliser une combustion optimale. C’est dans ce tube (la cheminée interne) que l’on observe la post-combustion : la combustion des gaz de bois qui ne sont pas brûlés dans le foyer. Une application directe a été trouvé dans les camps de réfugiés où il fallait trouver un moyen de cuisiner pour beaucoup de monde avec peu de ressource.

Figure 2 : schéma du rocket stove en L et en J

  1. Comment faites-vous pour contrôler vos cuissons au feu de bois ?

Dans notre cuisine, on peut contrôler la puissance du feu comme une gazinière classique. Pour un four on utilise un foyer en « J » permettant de charger le bois à la verticale pour rechercher à maintenir une température stable dans le four de manière autonome. Pour un usage en marmite comme les friteuses ou les woks, on utilise un foyer en « L » en chargeant le bois en bas à l’horizontale. Cela permet d’avoir des variations de températures quasi instantanées il suffit de pousser ou retirer le bois du foyer. On arrive même à faire du caramel au beurre salé. Après, ça reste de l’apprentissage en ratant quelques cuissons on comprend vite comment ça fonctionne.

  1. Comment fabriquez-vous vos systèmes, avec quels matériaux ?

Avant de construire un système, on réfléchit au besoin et au contexte dans lequel l’appareil va être utilisé. Pour construire une cuisine mobile qu’on utilise pendant des événements, on a fait le choix de travailler avec des bidons : c’est léger, solide, et ça se trouve facilement. Par contre, pour une cuisine fixe, on va plutôt utiliser des matériaux en briques réfractaires ou de l’argile, qui vont être plus durables. Nos systèmes dépendent de l’environnement local dans lequel on se trouve. Il faut savoir faire preuve de créativité tout en sachant s’adapter aux besoins de l’usager.

  1. Pendant les événements, comment vous organisez-vous concrètement avec votre cuisine mobile au feu de bois pour sortir 200 couverts ?

Dans notre cuisine, notre gestion de l’espace et des humains est essentielle. On distingue l’espace noir et l’espace blanc. D’un côté on a l’espace noir avec les gardiens du feu qui gèrent les marmites et les poêles directement en contact avec le feu. De l’autre on a l’espace blanc avec les cuisiniers qui manipulent la vaisselle et les aliments comme dans une cuisine normale. Ce fonctionnement permet à notre cuisine collective au feu de bois de respecter les normes de la commission hygiène en évènement.

  1. Quels sont vos systèmes de chauffage au bois ?

On peut faire des poêles de masse sur le même principe que les poêle rocket pour chauffer une maison. L’idée est de pouvoir stocker la chaleur produite par la combustion pour la restituer sur une longue période dans l’habitat. On fait aussi des poêles de yourte, des poêles de camion… chaque habitat a des contraintes et des besoins de chauffage différents. Ensuite, on travaille sur les 3 modes de transfert de chaleur (conduction, convection, rayonnement) pour répondre à un besoin particulier. Notre objectif est de réussir à créer un appareil sur mesure selon les contraintes et les souhaits de l’usager. Chaque projet est unique ce qui encourage à la créativité dans la conception de nos poêles.

  1. Quels sont les projets de l’asso en ce moment ?

On s’est installé dans un atelier ce qui nous permet d’accueillir des stages et de former les gens à l’auto-construction. On souhaite construire un laboratoire de transformation alimentaire pour faire des stages de cuisine au feu de bois avec de la récupération alimentaire et nos productions locales. On va également créer une salle blanche pour stocker notre matériel de cuisine pour l’évènementiel. Le but c’est d’aider les gens dans leur quête d’autonomie et de résilience et transmettre un savoir et un savoir-faire sur la combustion du bois. A terme on ne devrait plus avoir besoin de nous si on arrive à former assez de gens à ces pratiques.

 

D'autres exemples de rocket stove low tech

3 novembre 2021
Paul Lambert
Groupe ISF