Adoption de la Déclaration des droits des Paysan·ne·s à l’ONU

Après 17 ans de débat, l’Assemblée Générale des Nations Unies a finalement adopté la Déclaration des droits des Paysan·ne·s le 17 décembre 2018. Le travail de plaidoyer mené auprès du gouvernement français, mené entre autre par le Comité Français de Solidarité Internationale (CFSI) dont Ingénieurs sans frontières est membre a permis de faire basculer la position de la France d’une opposition à une abstention. Cette abstention est une demie victoire car tout en n’obstruant pas la possibilité d’adopter la déclaration, elle révèle combien le lobby des semenciers, fortement opposé au texte, a une emprise sur les décisions de notre soi-disante « patrie des droits de l’Homme », des hommes solvables en tout cas …
Affiche pour la déclaration des droits des Paysan·ne·s
La Via Campesina

Ce texte ne va pas révolutionner le droit international puisqu’il s’agit d’une résolution non contraignante qui ne pourra mener à aucun procès directement. Mais il sera un outil pour les paysan·ne·s et leurs allié·e·s pour interpeller la communauté internationale, la rappeler à ses engagements.

La déclaration est disponible ici : https://viacampesina.net/downloads/PDF/FR-3.pdf

Nous reproduisons ci-dessous le communiqué de la Via Campesina, la principale organisation paysanne à l’échelle internationale.

L’Assemblée Générale des Nations Unies adopte enfin la Déclaration des droits des paysan·ne·s ! L’accent doit maintenant être mis sur sa mise en œuvre

Hier, 17 décembre 2018, à New York, la Soixante-treizième session de l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU 73) a adopté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·ne·s et autres personnes travaillant dans les zones rurales. Maintenant que la déclaration constitue un instrument juridique international, la Via Campesina (LVC) et ses alliés se mobilisent pour soutenir les processus de mise en œuvre à niveau régional et national.

Le vote final d’hier représente l’aboutissement d’un processus historique pour les communautés rurales. Avec 121 voix pour, 8 voix contre et 54 abstentions, le Forum de l’AGNU représentant 193 États membres, a inauguré un nouveau chapitre prometteur dans la lutte pour les droits des paysan·ne·s et autres communautés rurales à travers le monde. Le processus, qui a duré 17 ans, fut initié par le mouvement paysan international de La Via Campesina, soutenu par de nombreux mouvements sociaux et des organisations alliées, comme FIAN et CETIM. Il a été une grande source d’inspiration et a renforcé les communautés paysannes dans toutes les régions du monde.

L’année 2018 a été décisive pour le processus de la Déclaration :

Genève : en avril, après 6 ans de négociations, le 5e Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée du Conseil des droits de l’homme (CDH) a conclu les débats sur le contenu, en finalisant le texte. En septembre, le CDH (39e session) a adopté la Déclaration à la majorité des voix.

Rome : en octobre, lors du 45e Forum du Comité mondial pour la sécurité alimentaire (CSA), la Via Campesina, en collaboration avec le Mécanisme de la société civile (MSC) et avec le soutien de plusieurs pays et institutions des Nations Unies, a organisé un événement politique promouvant la Déclaration dans le cadre de la Décennie de l’agriculture familiale.

New York : en novembre, la Déclaration est parvenue au processus de l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU). Le 19 novembre, la Déclaration a été votée et approuvée avec une large majorité par la Troisième Commission de l’AGNU, responsable des questions sociales, humanitaires et culturelles.

Finalement, le vote en plénière de l’Assemblée générale d’hier conclut le processus d’adoption.

Une nouvelle étape suivra, une étape de mise en oeuvre, transformant les aspirations de la Via Campesina en solutions pour les luttes quotidiennes de la société rurale.

« Cette déclaration est un outil important qui devrait garantir et réaliser les droits des paysan·ne·s et autres personnes travaillant dans les zones rurales. Nous exhortons tous les États à mettre en oeuvre la déclaration avec diligence et transparence, en garantissant aux paysan·ne·s et aux communautés rurales l’accès et le contrôle des terres, des semences paysannes, de l’eau et autres ressources naturelles. En tant que paysan·ne·s, nous avons besoin de la protection et du respect de nos valeurs et de notre rôle dans la société pour parvenir à la souveraineté alimentaire », a déclaré Elizabeth Mpofu, paysanne au Zimbabwe et coordonnatrice générale de la Via Campesina.

En tant que paysan·ne·s du monde entier, nous allons nous mobiliser et nous joindrons nos efforts dans nos pays respectifs en vue de faire pression pour l’élaboration de politiques et de stratégies visant à contribuer à la reconnaissance, à l’application et à la responsabilisation de nos droits. Les violations de nos droits causées par l’accaparement des terres, les expulsions forcées, la discrimination fondée sur le sexe, le manque de protection sociale, l’échec des politiques de développement rural et la criminalisation, peuvent maintenant, grâce à la reconnaissance internationale formelle de cette Déclaration, être abordées avec un poids juridique et politique accru.

Les droits des paysan·ne·s sont des droits humains ! Globalisons la lutte ! Globalisons l’espoir !

26 décembre 2018
Agrista
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Groupe ISF