Le sens du commerce équitable, c’est la lutte pour l’éradication de la pauvreté

En France, la loi n° 2005-882 définit le commerce équitable comme un levier d'aide aux travailleur·seuses en situation précaire, du fait de l'injuste rémunération de leur travail et/ou du manque de valorisation de leurs qualifications. Cette loi oblige la mise en place et le maintien de relations justes et équilibrées entre les différent·es acteur·rices de la filière.
Café et chocolat (mais pas que) pour lutter contre la pauvreté
Sébastien Cheruy

En 2017, l'Organisation Mondiale du Commerce Équitable (WFTO), rassemblant 401 organisations réparties dans 76 pays, a défini les 10 principes du commerce équitable, le premier étant la lutte contre la pauvreté et le soutien au développement d'une autosuffisance économique et foncière des producteur·rices marginalisé·es1.

Alors que la volonté des consommateur·rices occidentaux·ales se tourne de plus en plus vers les enjeux climatiques2, le commerce équitable tel que défendu par Commerce Equitable France CEF (dont ISF est membre, cf p.7) reste centré sur l'autonomie alimentaire locale des régions, et n'implique pas l'exportation à tout prix.3

Cela passe donc par un prix minimum garanti afin d'assurer la couverture des coûts de production pour la stabilité économique des producteur·rices mais aussi le renouvellement des capitaux, les investissements dans la production et les prêts pour financer la main d'œuvre ou les matières premières.

Le commerce équitable pose les bonnes questions quant à l’organisation et de l’aliénation moderne au travail. La réappropriation des capitaux par les travailleur·ses et les rémunérations justes sont autant d’armes sociales qui font naturellement sens pour les luttes similaires dans les pays dits du Nord. En effet, le manque de considération et la précarité dans le milieu agricole et de l'artisanat ne sont pas réservés qu'aux pays en voie de développement. Nombreuses sont les filières où les producteur·rices subissent de plein fouet et de manière régulière les fluctuations des prix du marché. Le dernier exemple en date concernait les producteur·rices de lait qui, à la suite d’un changement d'orientation de la Commission européenne, se trouvaient contraint·es de transformer leur production en poudre de lait vendue ensuite à des prix très bas sur les marchés ouest africains, mettant ainsi en péril les filières locales. Nous voyons aussi ici à quel point les politiques menées chez nous peuvent avoir un impact sur d'autres régions du monde. C'est en partie ce qu'essayent de contrer les collectifs qui militent pour la mise en place de filières équitable Nord-Nord.

Le commerce équitable comme levier de lutte contre la pauvreté s'appuie avant tout sur une implication totale, concertée et démocratique des populations locales. Le commerce équitable est porteur de cette approche qui se différencie d'autres pratiques d'aide au développement, et que l'on retrouve largement dans la vision de la solidarité internationale défendue par ISF.

Le modèle de lutte contre la pauvreté porté par les acteur·rices du commerce équitable est très proche de celui porté par ATD Quart Monde, une des organisations les plus importantes sur le sujet en France, dont la démarche repose sur une implication absolue des plus pauvres, notamment en les considérant comme militant·es de l'association et non pas bénéficiaires. Sur le plan politique en France, il serait pertinent de laisser l’action publique s’inspirer des démarches du commerce équitable et d’ATD, et l’on verrait bien les décennies (si ce ne sont les siècles) de préjugés et de décisions non choisies et non concertées avec les personnes défavorisées5 se faire chasser par ces pratiques de « l’aller vers » les plus pauvres, permettant une lutte pour et par les plus précaires elles·eux-mêmes.

5 Denis Colombi : Où va l'argent des pauvres ?

5 février 2021
Hugo Roux & Sébastien Cheruy, membres équipe EAD