Les écoles d’ingénieur⋅es, des déserts syndicaux ?

L’histoire syndicale étudiante s’inscrit dans un long processus tout au long du XXème siècle, auquel les écoles d’ingénieur⋅es n’ont pas échappé. 
Les étudiants grossissent les rangs du cortège du jeudi 20 février
Photo : Fred Douchet, parue dans le Courrier picard, 20 février 2020

La création en 1947 de l’Union des Grandes Écoles (UGE) en marque une étape majeure. Bâtie suite au congrès de l’UNEF en 1946, elle vise à représenter et défendre les étudiant⋅es en grande école. Ce congrès a vu l’adoption de la « charte de Grenoble », fondatrice du syndicalisme étudiant, qui proclame que l’étudiant⋅e est « un jeune travailleur intellectuel », lui permettant d’entamer une action syndicale. L’UGE reste pourtant dans une position apolitique, visant la création d’une « identité commune » aux grandes écoles. 

La guerre d’Algérie vient ensuite fracturer le mouvement étudiant : elle provoque une scission au sein de l’UNEF, qui se mobilise en faveur de la décolonisation de l’Algérie. En intégrant l’UNEF en 1957, l’UGE affirme alors un positionnement politique plus marqué. Elle défend les étudiant⋅es victimes de bizutage, les élèves en conflit avec leur école, ou le droit aux bourses et logements. Très active jusqu’aux années 70, l’UGE existe jusque dans les années 80, contrôlée principalement par la branche communiste de l’UNEF-Renouveau. 

 

Une représentation apolitique des élèves ingénieur⋅es ? 

S’ensuit un vide syndical dans les écoles d’ingénieur⋅es, peu propice à l’activité politique et se concentrant principalement sur des actions associatives. Elles contribuent aujourd’hui au fort sentiment d’appartenance des étudiant⋅es à leur école1 et s’organisent souvent autour des Bureaux Des Élèves (BDE). En revanche, leur portée politique reste limitée : certaines chartes de BDE stipulent par exemple que les associations qu’ils regroupent se doivent d’être apolitiques. 

Pourtant, les BDE se voient attribuer un rôle informel de représentation des étudiant⋅es : auprès des administrations des écoles comme à l’échelle nationale, où la CTI2 consulte régulièrement le Bureau National des Élèves Ingénieurs (BNEI)3. Or les étudiant⋅es ingénieur⋅es ont leurs représentant⋅es élu⋅es, qui siègent dans les instances universitaires... mais sont souvent issu⋅es d’élections qui peinent à mobiliser. 

 

De l’association au syndicat, il n’y a qu’un pas... 

Certaines activités associatives peuvent-elles rester apolitiques, alors qu’elles remettent en cause nos modèles de développement et de société4 ? Comment les droits des élèves ingénieur⋅es, souvent hors du champ des actions associatives, peuvent-ils être défendus ? 

Se structurer en syndicat peut être une réponse au besoin d’ouvrir de nouveaux espaces de débat et de revendiquer une posture politique. Fondé en 2023, « Solidaires Étudiant⋅es Compiègne » se mobilise par exemple pour les étudiant⋅es de l’UTC5 (gratuité des polycopiés de cours, changement de nom facilité au niveau de l’administration de l’école) comme sur des enjeux plus larges (réforme des retraites). Son ancrage syndical lui permet une gamme d’actions large, depuis les actions associatives au sein de l’école jusqu’à l’action explicitement politique dans ou hors de l’UTC. 

 

Notes : 

1 : Voir l’étude de 2017 de l’OVE, « Intégration et engagement associatif et syndical » : à noter, le fort niveau d’engagement associatif en écoles d’ingénieur⋅es par rapport aux autres formations 

2 : Commission des Titres d’Ingénieurs 

3 : Qui émane des Bureaux Régionaux des Élèves Ingénieurs (BREI), fédérant eux-mêmes les BDE des écoles 

4 : On pense aux associations écologistes à l’heure de l’accélération des dérèglements climatiques, ou aux associations féministes quand la dénonciation des inégalités hommes-femmes est de plus en plus forte 

5 : Université de Technologie de Compiègne 

 

23 janvier 2024
Benjamin Gayon et Baptiste Oudart, membres de l’équipe Former l’Ingénieur⋅e Citoyen⋅ne
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