Changement climatique au Togo : "S'adapter tout d'abord"

Nabilah Ouro Agouda est étudiante à l'École Supérieure de Technique Biologique et Alimentaire (ESTBA) à l'Université de Lomé, et membre de l'association Visions Solidaires. Suite à la réalisation à l'été 2015 du bilan d'émission de gaz à effet de serre (bilan GES) de son école avec Ingénieurs Sans Frontières-Savoie, elle est venue en France en novembre pour présenter le projet avec les étudiants de Chambéry à la COY11 et pour assister à la COP21. Voici la retranscription de l'entretien fait avec ISF Savoie à cette occasion.
Nabilah Ouro Agouda, étudiante à l'École Supérieure de Technique Biologique et Alimentaire de Lomé
ISF Savoie, novembre 2015

ISF - Cet été, deux membres d'ISF Savoie sont allés au Togo pour travailler avec toi et tes collègues sur votre bilan GES. Qu'avez-vous réussi à faire et que vous restait-il encore à accomplir après ?

Nabilah Ouro Agouda - Ce qu'on a réussi à faire c'est de pouvoir vivre ensemble, travailler ensemble, parce que ce n'est pas facile de collaborer avec nos cultures différentes. On a réussi à avoir une idée des émissions de notre école, à proposer des actions de réduction et à faire des recommandations mais pas à les concrétiser en actions.

 

ISF - Selon toi, comment les Togolais peuvent-ils lutter contre le changement climatique au quotidien ?

N.O.A. - S'adapter tout d'abord. Ils peuvent aussi prendre conscience de leur impact. Le bilan GES n'est pas une fin en soi, il permet de déterminer les postes les plus émissifs et de savoir comment contribuer à l'atténuation de ces émissions. La majorité des Togolais ne connaissent pas le problème du réchauffement climatique, mais ceux qui savent se disent que la responsabilité est plus importante ici [en France] que chez nous. S'il faut réduire les émissions, il va falloir le faire tous ensemble, mais pas à la même échelle. Nous émettons déjà quatre fois moins de GES que les étudiants de Polytech, nos actions de réduction ne peuvent pas être les mêmes. Il va falloir tenir compte des réalités. Au Togo, il y a déjà des conséquences du réchauffement climatique, on ne peut pas les négliger ou les ignorer, car c'est nous qui en subissons le plus les dommages. Donc comment travailler en solidarité ? Comment les gens d'ici peuvent nous aider à plus nous adapter au dérèglement climatique ?

 

ISF - En ce moment a lieu la COP21. Au niveau de l’État, que devrait faire le Togo pour lutter contre le changement climatique ?

N.O.A. - Le Togo doit d'abord développer des politiques d'adaptation, c'est la première des choses. Des politiques d'atténuation aussi. Actuellement, il y a des programmes d'entrepreneuriat qui sont lancés dans le pays : on pourrait demander aux personnes d'évaluer l'impact environnemental de leur activité avant de valider leur projet. Au niveau de l'agriculture, il y a pas mal d'actions, mais pour permettre le développement ce n'est pas encore ça. Entre-temps, on a développé des stratégies d'adaptation et de changement d'affectation des terres, mais en termes de GES, cela émet beaucoup. L'utilisation des mêmes moyens de développement que les pays du Nord, ne nous avancera pas sur le plan environnemental.

 

ISF - Quelles perspectives d'actions envisagez-vous pour la suite de l'action conduite avec ISF Savoie ?

N.O.A. - On maîtrise mieux la méthode des bilans GES. On l'a réutilisée pour « la petite COP de Lomé » [un rendez-vous associatif organisé avant la COP 21 à Lomé], et on continuera à l'utiliser et à s'améliorer. Nous devons également poursuivre le travail de diffusion. Lors de la première restitution, seuls des journalistes et l'administration de l'école étaient présents. Nous avons donc refait une restitution destinée aux étudiants. C'est maintenant que l'on va savoir si les étudiants se sentent impliqués et s'ils participent aux actions que l'on va mettre en œuvre. Nous avons beaucoup de travail à faire, des actions dans notre école, mais aussi au niveau de l'Université. Si on arrive vraiment à monter un groupe de réflexion, ce serait bien d'avoir des représentations locales dans chaque école de Lomé, de partager avec les différentes spécialités pour élargir la vision de la suite du projet. On pourrait aussi introduire des cours de développement durable. Il faut former des citoyens responsables, c'est ça la bonne formation.

1 juin 2016
Bénévoles du Comité Climat
Thématique 
Groupe ISF