L’obsolescence programmée des produits électroniques

Le Centre National d’Information Indépendante sur les Déchets (CNIID) a publié en septembre 2010 un rapport sur l’obsolescence programmée des produits électriques et électroniques (1). Cette étude part du constat que la croissance de la vente de ces biens à travers le monde est associée à la fois à un gaspillage des ressources naturelles non renouvelables et à une augmentation de la production de déchets électroniques. Hélène Bourges, chargée de campagne au CNIID, a répondu à nos questions.
« Computer Freak » fait de déchets électroniques.
« Computer Freak » fait de déchets électroniques.
Photo Gertrud K.

ISF - Le renouvellement rapide des appareils tels que les ordinateurs n’est-il pas défendable étant donné l’évolution de leurs performances et leur consommation moindre en énergie ?

Hélène Bourges - Une innovation n’est intéressante que si elle vous apporte une valeur ajoutée fonctionnelle par rapport à la version ancienne du bien. Un nouveau système d’exploitation incompatible avec votre équipement ou une nouvelle ligne esthétique sont des moyens de pousser au renouvellement sans forcément apporter une plus-value notoire en termes de fonctionnalités. Il est donc essentiel de savoir distinguer les vraies innovations des fausses. Concernant le gain énergétique, une étude publiée en juillet 2008 par le bureau d’études RDC environnement montre que ce raisonnement est valable uniquement pour le gros électroménager : réfrigérateur, machine à laver, etc. À performance énergétique comparable, la réutilisation est toujours plus bénéfi que d’un point de vue environnemental que le recyclage du bien ou son traitement par enfouissement ou incinération.

ISF - La réglementation concernant les déchets d’équipements électriques et électroniques vous semble-t-elle satisfaisante ?

H. B. - Les réglementations européenne et française visent à augmenter les performances écologiques des produits. Cependant, il n’y a pas d’objectif chiffré de réutilisation du matériel, ni de mesure efficace permettant l’allongement de la durée de vie des produits. Il serait intéressant de mettre en place une norme sur l’affichage de la durée de vie des produits électriques et électroniques, ainsi que de contraindre les fabricants à étendre la garantie de ces produits à dix ans. En outre, les textes sur l’éco-conception des produits ne prennent pas encore en compte le risque d’épuisement des ressources.

ISF - En tant qu’ingénieurs, quelle est notre responsabilité vis-à-vis de cette problématique ? Et en tant que consommateurs ?

H. B. - L’ingénieur peut faire des choix qui influent directement sur la durée de vie du bien comme étudier les possibilités de réparation, la qualité des pièces vitales, la robustesse des matériaux utilisés, etc. L’allongement maximum de la durée de vie d’un produit devrait guider les choix faits par les ingénieurs travaillant à sa conception. C’est très loin d’être le cas aujourd’hui. Il est possible pour tout consommateur de prolonger la vie des biens d’équipement : d’une part en achetant d’occasion dans une structure de réemploi comme les Ressourceries ou les communautés Emmaüs, d’autre part en donnant un bien en état de marche plutôt que de le jeter. Un téléphone portable est jeté au bout de 18 mois en moyenne, alors qu’il fonctionne toujours ! .

1. « L’obsolescence programmée, symbole de la société du gaspillage. Le cas des produits électriques et électroniques », téléchargeable sur le site web du CNIID (www.cniid.org).
 

12 janvier 2012
Propos recueillis par Hélène Braconot, coordination nationale
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