Former l'ingénieur citoyen - quels leviers d'actions ?
Sur quels leviers jouer pour amener les ingénieurs à une prise de conscience des enjeux environnementaux, sociaux et politiques présents dans leurs formations et dans l'exercice de leurs métiers? Comment les inciter à remettre en question leur propre rôle et celui de la technologie dans la société?
C'est à travers ce questionnement qu’Ingénieurs sans frontières, en partenariat avec la Fondation pour le Progrès de l'Homme, cherche à initier un travail de mise en réseau des acteurs de la formation citoyenne des ingénieurs. Le 28 juin 2014, des représentants de différentes initiatives ont été invités à se réunir pour partager leurs expériences visant à faire réfléchir les élèves-ingénieurs sur leurs futures pratiques professionnelles, ou à leur fournir des ressources pour agir en conséquence.
La Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme (FPH) suit depuis longtemps les questions ayant trait à la responsabilité des cadres, ainsi que les dimensions sociales, environnementales, éthiques des choix techniques. Elle a notamment soutenu l’initiative pour la responsabilité des cadres (IRESCA). Dans le prolongement de ce travail, la question de l’éthique des ingénieurs l’a conduit à s’intéresser à leur formation. Le rapprochement entre la FPH et Ingénieurs Sans Frontières autour de cette thématique s’est accentué ces derniers temps. Leur but est de mettre en lumière la question de la responsabilité de l'ingénieur au sein de la formation. Pour Ingénieurs sans frontières, ceci se traduit par un travail sur la formation supérieure dans le cadre de son programme Former l'Ingénieur Citoyen, mais aussi sur des formats de sensibilisation en milieu professionnel et de formation informelle (notamment dans les multiples espaces de formation interne d'Ingénieurs sans frontières).
Si l'angle d'analyse et d'action qui caractérise ce partenariat est large, cette première rencontre s’est focalisée sur la formation supérieure, avec des participants appartenant pour la plupart à cette sphère. Ainsi, une grande partie des participants étaient des enseignants-chercheurs en sciences humaines et sociales exerçant des activités d'enseignement en école d'ingénieurs et/ou des activités de recherche sur les formations d'ingénieurs. Des représentants de la Commission de Titres d'Ingénieur (CTI), instance qui régule les formations d'ingénieur au niveau national, étaient également présents Enfin, Ingénieurs sans frontières Belgique a témoigné de ses activités en milieu universitaire dans ce pays voisin de la France.
La matinée s’est organisée autour d’une première table ronde qui a permis aux participants de prendre connaissance de leurs activités en matière de formation « citoyenne » des ingénieurs, ainsi que d'identifier leurs cadres de références et leurs réseaux. L’après-midi, des groupes de travail ont permis d’approfondir deux questions d'intérêt partagé : quelles perspectives pour un enseignement à l'esprit critique, et quelles perspectives pour une participation étudiante à la gouvernance des formations ?
La discussion sur l'enseignement de l'esprit critique a permis de partager diverses expériences d'enseignement en sciences humaines et sociales dans des écoles d'ingénieurs : approches pédagogiques autour des controverses, éthique, interculturalité et interdisciplinarité, coopération avec des acteurs de la société civile du nord et du sud .... Les problèmes auxquels se voient confrontés les acteurs ont également été débattus, comme l'isolation des sciences humaines et sociales face à l'enseignement technique, la difficulté de trouver des espaces pour une transmission non-utilitariste de ces disciplines, le besoin d'une transversalité qui se heurte à des attitudes scientistes ou la revendication de la neutralité des techniques, ou enfin la difficulté d'établir des cursus cohérents dans un contexte qui privilège le recrutement d'enseignants vacataires et donc peu stables.
La discussion sur la démocratie dans la gouvernance des formations a laissé paraître des avis controversés, ainsi qu’une série de constats et de freins. D’une part, ont été mentionné la diversité des écoles, la difficulté pour imaginer des formats intéressants de participation étudiante, et la pression de financement exercée en ce moment sur les établissements de l'enseignement supérieur ne favorisent pas le dialogue à petite échelle incluant des étudiants. D’autre part l’ouverture à la participation étudiante et la reconnaissance de leur légitimité fait défaut et s’additionne au manque de transparence et d’ouverture des processus décisionnels.
Dans l’ensemble ces rencontres ont donné l'opportunité de riches échanges, et elles constituent un point de départ pour des échanges plus approfondis et la construction de collaborations autour de la formation citoyenne des ingénieurs..