BEI : l’Europe mine l’Afrique

Les Amis de la Terre mobilisent sur la campagne "l’Europe mine l’Afrique". Ils dénoncent le financement des exploitations minières par la Banque Européenne d’Investissement, l’institution financière de l’Union Européenne (BEI). Questions à Anne-Sophie Simpere, chargée de campagne des Amis de la Terre
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Illustration Les Amis de la Terre

ISF - Quel est votre constat ?

 

Depuis 2000, la BEI a investi environ 750 millions d’euros dans de grands projets miniers en Afrique. La BEI appartient aux Etats européens, c’est donc une institution publique, qui déclare elle-même avoir une mission de développement en Afrique. Or nous démontrons dans notre rapport « BEI : six ans de financement du pillage minier en Afrique » (1) que ces projets miniers ne tiennent pas leurs promesses en matière de développement, mais qu’ils ont des conséquences sociales et environnementales dévastatrices : pollution des eaux et des sols, déforestation, déplacements forcés de population, conflits et corruption… La BEI n’a ni norme ni procédure correctes pour évaluer, limiter et corriger ces impacts. Nous lui demandons d’arrêter de financer ce type de projets tant qu’elle n’a pas les moyens de les évaluer correctement.

 

ISF - Ces projets ne présentent-ils pas malgré tout de nouvelles ressources pour les pays concernés ?

 

Les avantages économiques pour le pays d’accueil sont souvent avancés pour justifier les investissements dans le secteur minier, notamment la création d’emploi et de recettes fiscales. En réalité, le secteur minier emploie peu. C’est un secteur très capitalistique et mécanisé, qui n’absorbe pas tous les emplois qu’il fait disparaître en se substituant aux activités traditionnelles sur le gisement (agriculture, élevage, exploitation minière artisanale…). Par ailleurs, sous l’influence de la Banque mondiale et du FMI, de nombreux Etats africains ont adopté des régimes fiscaux très avantageux pour les investissements étrangers. Parfois, les gouvernements ont accepté des conditions contractuelles encore plus inéquitables. En outre, certaines compagnies minières ne paient pas leurs taxes et les pouvoirs publics locaux sont souvent trop faibles ou corrompus pour recouvrir ces paiements. Résultats : les recettes pour l’Etat d’accueil, issues de royalties ou de taxes, sont extrêmement faibles au regard de la richesse extraite du sous-sol. Ainsi, dans le projet de mine de cuivre de Mopani, financé par la BEI en Zambie, le taux de royalties était fixé contractuellement à 0,6% seulement !

 

Anne-Sophie Simpere
 

ISF - Pourquoi les projets décriés ont-ils besoin de ces financements publics européens ? Si la BEI se montrait trop exigeante sur les retombées sociales ou environnementales, les industriels n’iraient-ils pas chercher de l’argent ailleurs, auprès des investisseurs chinois fréquemment évoqués depuis quelques années ?

 

Notre rapport démontre que les prêts de la BEI vont à de grandes multinationales occidentales, qui auraient effectivement très bien pu se faire financer par des bailleurs privés. Mais l’implication d’une institution publique européenne comme la BEI apporte, au-delà des fonds, une assurance politique aux projets financés. Quant à la question de la Chine, s’il ne faut pas minimiser les problèmes liés aux investissements chinois en Afrique, nous ne pourrons pas nous permettre de leur donner de leçon tant que nous serons nous-mêmes impliqués dans des projets destructeurs. De manière générale, il est très dangereux de jouer à la course vers le bas en matière de standards sociaux ou environnementaux. Il est nécessaire que nous soyons exemplaires nous-même pour pouvoir exercer des pressions sur la Chine afin qu’elle améliore ses pratiques.

 

(1) Rapport disponible en ligne : www.amisdelaterre.org

 

 

 

3 octobre 2009
propos recueillis par Maxime Chodorge, bénévole équipe Énergie
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