Artisans du monde, association pionnière d'une éducation au commerce équitable engagée

Erika Girault travaille dans le secteur éducation de la fédération Artisans du monde. Elle est chargée de former des animateurs et animatrices, ainsi que produire des outils pédagogiques sur les enjeux liés au commerce équitable.
Une animation d'Artisans du monde
Myriam Ezzedine, fédération Artisans du monde

Peux-tu nous définir ce qu’est l’éducation au commerce équitable ?

Tout part de l’éducation populaire, qui consiste à utiliser le monde et ses interactions pour se former entre pair⋅es, entre habitantes et habitants de la planète. De celle-ci dérive l’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale (ECSI). L’éducation au commerce équitable (ECE) se situe comme la branche « système économique mondial » de l’ECSI. On pense que les choses changeront peu si on ne parle pas du système économique que l’on souhaite mettre en place pour changer les choses. C’est ce que nous analysons sur la question des objectifs de développement durable, qui sont beaux mais manquent de référence à un système économique mondial. C’est pour cela que, par nos actions d’ECE, nous cherchons à interroger notre public sur le modèle économique que l’on pourrait mettre en place pour un monde plus juste, solidaire, écologique, féministe et inclusif.

Comment la fédération Artisans du Monde s’est-elle emparée de l’éducation au commerce équitable ?

À notre naissance, dans les années 70, nous avons tout d’abord construit nos filières économiques, pour voir comment ça marchait, comment on pouvait construire un autre commerce. Ensuite, nous nous sommes dit que nos alternatives économiques n’étaient pas une fin en soi et c’est là que l’idée de diffuser ce nouveau système auprès du plus grand nombre a émergé. C’est pourquoi nous avons toujours couplé nos actions avec à la fois de l’ECE et des actions de plaidoyer pour viser un changement plus global.

Dans quelle mesure l'actualité et le contexte politique peuvent influencer vos actions éducatives (et inversement) ?

Si l'éducation populaire a pour sujet principal l'étude du monde, ça veut dire qu'elle est dynamique, toujours en mouvement, qu'elle s'inscrit dans un monde vivant. Les luttes populaires nous poussent à faire toujours évoluer nos paradigmes. Face à cela, des éducateurs et éducatrices ont développé des trames d'animation pour lutter contre le racisme et déconstruire les stéréotypes sur les questions de migrations, pour lutter en faveur de l'égalité des genres, contre les dérèglements du climat. Le système économique mondial est au cœur des déterminismes sociaux, donc éduquer au commerce équitable, c'est éduquer à une autre façon d'imaginer les rapports sociaux !

Justement, comment l’éducation au commerce équitable peut-elle contribuer à l’égalité de genre ?

Ce n’est pas un thème que nous abordons de manière cloisonnée dans nos animations car nous parlons toujours de la place des femmes et plus largement de l’inclusion. Cependant nous avons produit une revue sur la place des femmes dans leur organisation et développé des outils pédagogiques, par exemple pour sensibiliser les femmes dans leur milieu de travail et expliquer en quoi le commerce équitable favoriserait l’égalité dans les organisations. Par exemple, les femmes occupent 51 % des sièges dans les conseils d’administration des organisations du commerce équitable labellisées par la World Fair Trade Organization, alors que seulement 12 % les occupent dans les entreprises du modèle capitaliste dominant.

Tu aurais des données qui permettent de démontrer l’impact de vos actions ?

Ce n’est pas évident de voir l’impact de nos actions éducatives ponctuelles. Après, comme pas mal de jeunes viennent faire des stages ou des services civiques chez nous, nous avons cherché à mesurer l’impact chez ces personnes qui sont en train de se former, de questionner le monde, de chercher quoi faire de leur vie. Comme nous en sommes au début de cette étude, nous n’avons pas encore de résultat à vous donner.

24 janvier 2022
Edouard de Matteis
Thématique